QUELLE PRISE EN CHARGE GYNÉCOLOGIQUE DES FEMMES ATTEINTES D’UN TROUBLE DE L’HÉMOSTASE ?
Quels troubles de l’hémostase peuvent affecter les femmes ?
La maladie de von Willebrand1
La maladie de von Willebrand est le principal trouble de l’hémostase dont souffrent plutôt les femmes. Contrairement à l’hémophilie, cette maladie du sang d’origine génétique touche aussi bien les hommes que les femmes, car l’altération génétique est portée par le chromosome 12 et non par le chromosome X (en cause dans l’hémophilie). La maladie de von Willebrand se caractérise par des saignements importants au niveau des muqueuses, notamment du nez et de la bouche, ainsi que par des bleus spontanés. C’est souvent à la puberté, lors de la survenue des règles que le diagnostic est porté chez les filles. Pendant 10 à 14 jours (contre 5 jours habituellement), les jeunes filles sont victimes de saignements anormalement abondants. Les médecins parlent alors de ménorragies. Ces saignements les obligent à changer de protection tout au long de la journée, voire à en utiliser deux en même temps. On estime qu’entre 20 et 25 % des femmes qui consultent pour des ménorragies souffrent de la maladie de von Willebrand 1.
Les conductrices symptomatiques de l’hémophilie1
Les femmes qui ont hérité d’un gène de l’hémophilie sont dites conductrices ou porteuses de l’hémophilie. Elles présentent un déficit en facteur de coagulation VIII (hémophilie A) ou IX (hémophilie B), estimé à environ 50 % des cas. Bien qu’elles n’aient en général pas une symptomatologie aussi sévère que les hommes, elles ont quand même des symptômes mineurs. Ce sont surtout leurs règles abondantes et anormalement longues qui caractérisent ces patientes. Par conséquent, dès lors que leur taux de facteur VIII ou de facteur IX de coagulation est inférieur à 30-40 % du taux normal, elles doivent être considérées comme des hémophiles mineures1.
Les femmes hémophiles1
Bien que rares, les femmes hémophiles sévères existent1. Soit elles ont hérité des deux gènes de l’hémophilie, l’un de leur père hémophile, l’autre de leur mère conductrice. Soit elles portent un gène défectueux et un gène normal, et ce dernier a été inactivé (phénomène de lyonisation). Résultat : elles souffrent d’une hémophilie de sévérité comparable à celle d’un homme et présentent, en plus des symptômes classiques de ce trouble de la coagulation, des règles hyper abondantes, qui durent plus de 7 jours2.
Les femmes atteintes d’un trouble rare de la coagulation1
Il existe d’autres maladies du sang, dues à des déficits portant sur d’autres facteurs de coagulation. Ces troubles sont cependant extrêmement rares. On peut citer l’hémophilie C, due à un déficit en facteur XI, les déficits en facteur V, facteur VII, facteur X et facteur XIII, ou encore l’afibrinogénémie (absence totale de fibrinogène, une protéine du sang qui joue un rôle majeur dans la coagulation) ou la dysfibrinogénémie (anomalie du fibrinogène, entraînant un trouble de la coagulation)1.
Le traitement gynécologique des troubles de l’hémostase
Les ménorragies, un symptôme classique des troubles hémorragiques chez les femmes
Les ménorragies sont le principal symptôme gynécologique des femmes souffrant d’un trouble de l’hémostase. Ce terme désigne des règles abondantes, dont le volume excède 80 ml par cycle (contre 30 à 40 ml normalement)2. Au-delà de leur impact physique évident (risque d’anémie, entraînant une grande fatigue et une faiblesse importante), ces saignements ont un retentissement émotionnel, social et matériel majeur sur la qualité de vie des femmes touchées. Ce sont les termes employés dans la définition officielle du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) en 20071. Un « outil » a été développé pour aider les femmes concernées à mesurer le volume de leurs règles à chacun de leur cycle : le score de Higham .
Il existe différents traitements pour soulager les femmes hémophiles ou conductrices symptomatiques de l’hémophilie souffrant de ménorragies 2 :
- Les traitements hormonaux constituent généralement le traitement de première intention. A base d’estrogènes et de progestatifs, ils entraînent une élévation du taux de certains facteurs de coagulation : facteurs II, VII, VIII, X et le facteur von Willebrand. Administrés sous forme de pilule ou de patchs, ils sont indiqués en cas de ménorragies car ils régulent le cycle menstruel et réduisent la durée des règles. Le dispositif intra-utérin hormonal est également indiqué.
- Les antifibrinolytiques ont également leur place dans le traitement des ménorragies. Ces traitements non hormonaux permettent de diminuer le flux des règles en stabilisant les caillots sanguins.
- L’acétate de desmopressine augmente les taux de facteur VIII et de facteur de von Willebrand dans la circulation sanguine et peuvent soulager les femmes présentant une forme mineure d’hémophilie A ou de la maladie de von Willebrand. Pour bénéficier de ce traitement, un test doit être réalisé auparavant pour s’assurer que le produit n’est pas contre-indiquée chez la patiente et qu’il est efficace. Son usage doit être limité en raison de ses effets secondaires, en particulier du risque d’hyponatrémie (taux de sodium sanguin anormalement bas, se manifestant par des troubles neurologiques tels qu’une somnolence, une grande fatigue et une faiblesse).
- L’administration de facteurs de coagulation, prescrits par l’hématologue, peut être nécessaire en cas de ménorragies importantes. Les produits plasmatiques et les produits recombinants permettent au sang de coaguler lors d’un saignement.
- En dernier recours, lorsque les autres approches thérapeutiques ont échoué et si la patiente a renoncé à tout projet de grossesse, elle peut envisager une ablation de l’endomètre ou une hystérectomie.
Les dysménorrhées, un symptôme non caractéristique
Les femmes atteintes d’une anomalie de l’hémostase peuvent aussi souffrir de dysménorrhées. Il s’agit d’un trouble gynécologique qui entraîne d’importants saignement pendant les règles et provoque de violentes douleurs à l’abdomen. Ces douleurs associées aux règles ne sont cependant pas spécifiques de l’hémophilie et peuvent témoigner, notamment, d’une endométriose. Il est donc très important de porter un diagnostic précis de la maladie à l’origine de ces dysménorrhées, afin que les patientes bénéficient d’une prise en charge adaptée. Par exemple, l’hémophilie étant aggravée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens2 et l’aspirine, ces médicaments sont absolument contre-indiqués3. Toute douleur, qu’elle soit ou non associée aux règles, doit être soulagée à l’aide de paracétamol (associée ou non à de la codéine) si elle est légère à modérée, ou de cortisone si elle est sévère3.
Une grossesse suivie de près
Si la grossesse n’est ni une maladie ni un symptôme d’un trouble de l’hémostase, il n’en reste pas moins que les femmes enceintes souffrant d’hémophilie, de la maladie de von Willebrand ou de toute autre maladie rare de la coagulation doivent faire l’objet d’un suivi multidisciplinaire. Les taux de facteurs de coagulation étant variables et non prévisibles au cours de la grossesse, ils doivent être évalués au cours du 3ème trimestre, idéalement entre la 32ème et la 34ème semaine ; les résultats sont déterminants dans la prise en charge de l’accouchement2.
Mère conductrice et femme hémophile