Hémophilie : un accouchement sous surveillance
Hémophilie : les précautions à prendre avant un accouchement
Prévenir le risque d’hémorragie
Les femmes hémophiles sont extrêmement rares et représentent une infime minorité des personnes atteintes par cette maladie rare du sang. Les femmes « conductrices » de l’hémophilie – c’est-à-dire les femmes qui ne possèdent qu’un seul X porteur de l’hémophilie, en revanche, sont beaucoup plus nombreuses et une proportion non négligeable d’entre elles présentent des symptômes mineurs de ce trouble de la coagulation1. Chez ces femmes, atteintes ou porteuses de l’hémophilie, la maladie se manifeste plus particulièrement à travers leur vie gynécologique : pendant leurs règles, très abondantes, douloureuses et durables ; à l’approche de la ménopause, avec la survenue de saignements hiératiques ; lors de l’accouchement…
Donner naissance à un enfant pour une femme hémophile ou « conductrice » de l’hémophilie, représente un événement majeur en termes de risque d’hémorragie et doit donc faire l’objet d’une attention très particulière.
Doser le taux de facteur de coagulation
Idéalement, toute femme hémophile ou qui se sait porteuse de ce trouble de la coagulation doit bénéficier d’un suivi très étroit tout au long de sa grossesse. Ce suivi peut être mené en collaboration avec l’obstétricien et l’équipe du centre de traitement de l’hémophilie (CTH) où est suivie la patiente enceinte1. Il consiste notamment à doser le taux de facteur de coagulation responsable de la maladie (facteur VIII pour l’hémophilie A, facteur IX pour l’hémophilie B). L’enjeu est de savoir si ce dosage est suffisant pour mener à bien la grossesse et l’accouchement. Bonne nouvelle : le taux de facteur VIII s’élève considérablement et naturellement pendant la grossesse, ce qui diminue d’autant le risque d’hémorragie pendant l’accouchement. Ce n’est en revanche pas le cas du facteur IX, dont la hausse est moins importante2. Sachez toutefois qu’un taux égal ou supérieur à 50 % du taux normal suffit pour une coagulation satisfaisante2.
Le taux de facteur VIII ou IX est mesuré entre la 32ème et la 34ème semaine, lorsqu’il est à son maximum2. C’est ce taux qui va déterminer la prise en charge pendant l’accouchement.
Une maternité de niveau 34 en cas de risque d’hémorragie
Si votre taux de facteur de coagulation est égal ou supérieur à 50 %, vous devriez pouvoir accoucher dans la maternité de votre choix4. S’il est trop bas, vous devrez donner naissance à votre bébé dans une maternité de niveau 3, avec présence d’un hématologue, d’un service de pédiatrie et d’un centre de transfusion4. Ce dernier devra être compétent dans le domaine de l’hémostase, et disposer d’un plateau technique permettant la prise en charge optimale des hémorragies du post-partum4.
Pour faciliter votre prise en charge, ainsi que celle de votre bébé, pendant et après l’accouchement, l’équipe médicale qui vous suit pendant votre grossesse doit établir un protocole de prise en charge en concertation avec l’hémobiologiste, l’obstétricien, l’anesthésiste-réanimateur et le pédiatre2.
Comment se passe l’accouchement en cas d’hémophilie ?
Les précautions au moment de l’accouchement
Si votre taux de facteur de coagulation est trop bas, l’équipe médicale pourra vous administrer des traitements préventifs à visée hémostatique : desmopressine, antifibrinolytiques, ou un traitement substitutif (facteur VIII ou facteur IX)1.
Un test de dépistage prénatal (DPN) peut également être proposé aux couples concernés par une hémophilie modérée ou sévère dans leur famille, ou à ceux dont la femme est une « conductrice » de l’hémophilie sévère. Ce test consiste à rechercher, chez le fœtus, entre la 11ème et la 20ème semaine de gestation selon la technique choisie, le gène de l’hémophilie identifié chez l’un des deux parents afin de connaître son statut vis-à-vis de ce trouble de la coagulation1. Quel que soit le résultat de ce test, l’équipe médicale devra procéder à un accouchement le plus en douceur possible, tant pour vous que pour votre enfant. L’accouchement naturel et sans instruments est l’objectif à atteindre mais n’ayez crainte, des solutions existent pour vous garantir un accouchement sans douleur et sans risques.
Éviter les saignements
Certaines précautions permettent de limiter le risque d’hémorragie pendant l’accouchement d’une femme hémophilie ou porteuse de l’hémophilie, chez laquelle les taux de facteur de coagulation ne sont pas absolument normaux3 :
- Éviter les épisiotomies ;
- Éviter la péridurale ;
- Éviter la césarienne dans la mesure du possible.
Diverses mesures sont également à éviter chez le nouveau-né3 :
- Les extractions du bébé par succion ;
- Les injections intramusculaires ;
- Le recours aux forceps ;
- Les prélèvements de sang sur son cuir chevelu.
La péridurale en cas d’hémophilie
La péridurale ou la rachianesthésie ne sont pas contre-indiquées en cas d’hémophilie ou de trouble de la coagulation, à condition que le taux de facteur de coagulation soit revenu à des valeurs suffisantes (supérieur ou égal à 50 %) au cours du 3ème trimestre de la grossesse. Ces pratiques peuvent toutefois vous être refusées en raison du risque d’hématome5.
Bien qu’à éviter, la césarienne est néanmoins possible en cas d’hémophilie maternelle ou fœtale. Elle ne doit cependant pas être proposée d’emblée, en prophylaxie, simplement pour éviter tout risque hémorragique3.
La surveillance de l’hémophilie dans les suites de couche
C’est entre le 3ème et le 4ème jour qui suivent l’accouchement que le risque d’hémorragie du post-partum semble le plus aigu2. Par mesure de précaution, la sage-femme qui vous suit doit être particulièrement vigilante à l’égard de tout saignement dans les 5 jours qui suivent votre accouchement. Mais gardez en tête que ce risque peut survenir jusqu’à 35 jours après l’accouchement et qu’il est donc nécessaire de faire un point régulier avec l’équipe médicale qui vous suit 2.
Si votre bébé présente un risque avéré de souffrir d’une hémophilie sévère, un diagnostic précoce réalisé sur le sang du cordon permettra une prise en charge rapide. Devant un risque d’hémophilie mineure, le diagnostic peut être repoussé à l’âge de 1 à 3 ans, ou avant en cas de symptômes hémorragiques3.
Ce que vous devez retenir, c’est que vous avez tout intérêt à établir une étroite collaboration avec les membres de l’équipe médicale qui vous suivra pendant votre grossesse et de bien vous renseigner sur votre hémophilie et son traitement. En anticipant votre accouchement et les éventuels risques associés, vous serez moins stressée le jour J et pourrez profiter pleinement de cette belle étape de la vie.
Mère conductrice et femme hémophile